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Artiste(s) : Dominique Figarella
Galerie de la Villa, Villa Arson, Nice
12 mai - 11 juin 1995
Vernissage le 11 mai à 18 heures
J’aimerais parler de peinture en oubliant les images qu’elle a produites, comme si les images peintes ne valaient que pour ce qu’elles sédimentent des traces d’une activité qui accompagne l’histoire des hommes dès son début, depuis qu’ils peuvent se représenter comme tels.
Il faudrait penser, avant même que ne vienne à l’esprit l’héritage accumulé par des siècles de commentaires, qu’au fondement de toutes les pratiques que l’histoire de la peinture a vu se développer, se rejoue à chaque fois un geste inaugural, l’intuition d’une pratique trans-historique analogue à celle par laquelle les hommes façonnent la matière brute de leur nature, vers le propre de l’humanité. Car, comme il ne suffit pas aux hommes de pouvoir entendre ce que l’on dit dans le mot humanité pour être humain, aucun concept déduit d’un tableau ne suffira à résoudre ce qui se joue dans la pratique de la peinture.
Dans l’élaboration d’un tableau, choisir tel moyen de peindre, aux fins de représenter tel objet, consiste à déterminer une pratique. Peindre n’est pas une activité où la conception réside dans la volonté de peindre ceci ou cela, mais où l’on conçoit tel ou tel moyen pour le faire. Peu importe ici de savoir si pour les maîtres anciens la stratégie des moyens a engendré des solutions géniales parce que leur pratique était contrainte dans ses choix par les exigences formelles de tel objet à représenter, ou si, dans l’œuvre, l’objet de la représentation découlait finalement, de ce que j’appellerais le ton avec lequel l’artiste peignait. Car il me semble que c’est dans cette question fondamentalement antinomique que la peinture abstraite a voulu trancher, en empruntant le chemin par lequel les moyens de faire un tableau (ses processus et ses matériaux) se substituent à la finalité pour laquelle ils ont originellement été mis en œuvre : représenter.
De ce point de vue, l’idée de l’abstraction est mue par la volonté d’élaborer une pratique dont le choix des processus ne dépende plus des exigences formelles qu’impose la représentation de tel objet, mais que ce choix soit relatif aux exigences de la pratique elle-même. Les différentes méthodes picturales élaborées selon les principes techniques de la représentation des objets du monde, quand bien même les espaces et les choses n’y sont figurés que pour autant qu’ils représentent des idées, ces méthodes ne valent ici que parce qu’elles sont des systèmes de fabrication, des moyens de pratiquer la peinture.
Dominique Figarella
Extrait de la communication au Colloque « Abstraction et Réthorique », Collège international de philosophie, Paris.