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Kristin Oppenheim : communiqué de presse

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Artiste(s) : Kristin Oppenheim

Galerie de la Villa
8 avril - 5 juin 1994

Vernissage le 7 avril 1994 à 18 heures


En janvier 1992, Kristin Oppenheim devait enregistrer sa première pièce de son1, en « adaptant », une mélodie de Sid Barret - adapter signifie ici « l’idée qu’on s’en fait » -, s’agissant d’une représentation de mémoire ; quant au texte, autobiographique, il consistait en ces deux mots : Shake me, inlassablement répétés. Il se dégageait de l’ensemble une curieuse sensation de quelque chose de doux et lancinant à la fois, qui contrastait singulièrement avec le thème de l’œuvre, à savoir celui d’un réveil et d’un changement violents. Lorsque j’entendis la pièce pour la première fois, l’idée me vint d’une sorte de mantra grégorien.
Puis ce fut Cry me a river2, février 1992, mélodie et texte librement adaptés (appropriés ?), d’après Leslie Gore, une troublante installation, à la fois dans ses effets et son économie de moyens : quatre haut-parleurs disposés aux quatre coins de la galerie, à même le sol, diffusant I cried a river over you. Le spectateur, censé se tenir au centre de la pièce, se trouvait comme transpercé par le son, lequel avait été préalablement enregistré en canon sur deux pistes différentes et voyageait à présent diagonalement d’un haut-parleur à l’autre. J’eus l’impression de me retrouver au centre d’une sorte de sculpture vocale, expérimentant ce que Kristin entend par « physicalité de l’espace » ou « placement physique de la voix dans l’espace ».
1992-93 fut une période particulièrement productive pour les pièces de son. Celles-ci sont le plus souvent autobiographiques et généralement liées à des travaux d’écriture : journal, notes, textes divers (manuscrits ou dactylographiés), inscriptions murales, dessins..., d’où sont extraits un ou plusieurs mots, un bout de phrase, une phrase entière, quelques bribes..., un texte.
Les dessins méritent qu’on s’y arrête, qui au début prirent naissance sur les murs de l’atelier, pour venir ensuite s’inscrire sur de grandes feuilles (127 x 96,5 cm) lisses, d’un blanc légèrement jaune. Quelques traits y symbolisent le corps féminin, puis l’écriture, disposée en triangle autour de la toison pubienne, prend possession de la feuille.

Through an open window, août 1992, souvenir d’une mélodie de Sid Barret et Kristin Oppenheim, sur l’idée de la perte de conscience.

She had a heavy day, novembre 1993, mélodie et texte de Kristin Oppenheim, une journée difficile.

Shiver, mars 1993, mélodie et texte de Kristin Oppenheim, exagération d’une voix féminine.

Starry night, avril 1993, mélodie et texte de Kristin Oppenheim, sur les thèmes de la peur et de la séduction.

La pièce exposée par le F.R.A.C., The Spider and I est une adaptation (mélodie et texte) d’une chanson de Leslie Gore. Seul le titre est de Kristin. Son travail devait consister, d’une part, à transformer une chanson pop en une berceuse, et, d’autre part, à imposer sa propre lecture du texte. Le thème de l’araignée ou plus précisément de la toile d’araignée fait ici référence à son appréhension de la structure du texte en différentes strates, ainsi qu’aux aspects hypnotiques du langage qui s’y déploie :

I would swim the coldest oceans
I would walk in burning sands
I would crawl across the desert
With my heart held in my hands

Je nagerais dans les océans les plus froids
Je marcherais sur des sables brûlants
Je traverserais le désert en rampant
En tenant mon cœur dans mes mains

Kristin Oppenheim ne prend pas de leçons de chant ; cependant elle travaille sa voix. Son effort porte sur quelque chose qui excèderait la culture, comme la texture de la voix, son grain, et qui serait de l’ordre de ce que Barthes appelait le « géno-chant ». Le grain nous dit-il, « ce serait la matérialité du corps parlant sa langue maternelle3 ». Ce que la voix transmet ici, c’est sa propre fragilité, celle de l’artiste également, sa vulnérabilité.

M. Kébir
Tiré du catalogue Les ateliers internationaux des pays de la Loire, Clisson, 1993.


Notes :
1. Cette pièce fut présentée chez Lise Spellman en février 1992.
2. Cette pièce fut présentée par Alain Clairet chez Nicole Klagsbrun en juin 1992.
3. Roland Barthes, « Le grain de la Voix », in L’Obvie et l’Obtus, Essais Critiques III, éditons du Seuil, Paris, 1982, p. 238.